Être musicien de jazz implique souvent d’être confronté à l’imprévu : hués hier, acclamés aujourd’hui, ignorés demain, habitués des caves ou des palais, sans cesse en mouvement et propices aux accidents, ils traversent la vie comme en biais au gré des rencontres et des engagements. C’est pourquoi, ballotés par leurs destins, la seule façon raisonnable pour eux de garder l’équilibre est sans doute de cultiver une distance affectueusement ironique vis-à-vis de tout ce qui leur arrive, un peu comme s’ils étaient les personnages d’un film qu’un autre aurait écrit et dont nous découvrions les rebondissements au fur et à mesure. Le réalisateur et le scénariste n’arrêtent pas de changer, parfois c’est un drame, parfois une comédie, parfois un film d’action ou encore une histoire où il se passe tout et rien en même temps, un peu comme chez Godard qui nous quittait la veille du jour où Laurent de Wilde rentrait en studio.
Ce sont quelques-uns de ces moments ou de ces sensations qui ont inspiré les titres de cet album, avec la participation complice de Donald et Jérôme qui cultivent avec une rare élégance cette façon d’être totalement impliqués dans leur art tout en conservant un recul gorgé d’humour.
Il en résulte cet album à trois où la parole circule en toute liberté, sorte de bande-son du film de leurs vies dont les lendemains restent à écrire mais dont le présent exprime toute la joie et le plaisir de jouer ensemble.